Le street art, ou l'art urbain, est un mouvement artistique contemporain où l'artiste plasticien réalise ses œuvres dans l'espace public sur des supports variés qui ne lui appartiennent pas.
Mode d'expression, revendication de liberté, affranchissement d'un système déjà établi, le street art a su se faire une place à côté des autres formes d'art et fédérer des communautés qui la défendent et la revendiquent.
En réalisant des œuvres sur des supports public ou privés, l'artiste entend faire don de son œuvre à la société. Mais qu'en est-il de ses droits moraux et patrimoniaux ? Comment peut-on qualifier son intervention ? Est ce que le droit de la propriété intellectuelle protège ce type d'artistes ?
Bien qu'une œuvre de street art soit accessible et visible par un large public, elle n'en demeure pas moins la propriété de son auteur. Il importe de distinguer l'œuvre de son support.
Ainsi, les droits de l'artiste tiennent à une propriété immatérielle et ne dépendent pas de la propriété du support.
Chaque œuvre "bénéficie de la protection du droit d'auteur" du seul fait de sa création (art. L. 111-1 du CPI).
Toutefois, une œuvre de street art, bien qu' "éphémère"1 est protégeable par le droit d'auteur à partir du moment qu'elle est originale et licite.
Qu'est-ce qu'une œuvre originale ?
Une œuvre est dite originale si elle reflète la personnalité de son auteur et qu'elle se manifeste par ses choix libres et créatifs (CJUE, 1er décembre 2011, Painer.).
Comment est protégée une œuvre de street art ?
Une œuvre de street art ne peut être reproduite sans l'autorisation expresse et préalable de son auteur.
Une œuvre de street art ne peut être reproduite ou diffusée publiquement sans l'accord de l'artiste, même si elle n'est pas effectuée dans un but commercial.
Par conséquent, un artiste peut demander à tout moment le retrait d'une photographie de son œuvre diffusée sur Internet ou des réseaux sociaux.
Il existe toutefois certaines exceptions aux droits exclusifs de l’auteur sur son œuvre.
Une œuvre pourra être reproduite ou représentée sans autorisation du titulaire des droits, si la reproduction ou/et l'exploitation ne porte(nt) pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et cause(nt) un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur
Il existe, par ailleurs, une exception supplémentaire, créée par la jurisprudence, consistant à admettre la possibilité de prendre en photo une œuvre sans en demander l'autorisation à l'auteur si l'œuvre apparaît en arrière-plan et que la représentation n'est qu'accessoire par rapport au reste de la photographie (Civ. I, 15/03/2005, n°03-14820).
Rares sont les auteurs de street art qui revendiquent leur droit d'auteur, au risque de se voir poursuivre pénalement pour vandalisme.
En effet, pour qu’une œuvre soit protégée par le droit d’auteur, il convient qu’elle soit licite. Or, de nombreux artistes ne demandent pas d'autorisation au propriétaire du support avant de réaliser leurs créations.
Ne pas obtenir l’autorisation du propriétaire d’un mur pour supporter une création rend l’œuvre extrinsèquement illicite.
S'ouvrent alors deux situations :
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Soit le propriétaire du support donne son accord et l’œuvre de street art est protégeable par le droit d'auteur.
L'œuvre sera licite sauf si elle ne respecte pas les règles d'urbanisme ou constitue une incitation à la haine.
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Soit le propriétaire du support n'a pas donné son accord, auquel cas l'œuvre est licite.
Face à cette situation, le propriétaire du support peut invoquer différents fondements pour protéger son bien.
Il peut, d'une part, s’opposer à la destruction, la dégradation ou la détérioration de son bien sur le fondement de l’article 322 -1 du code pénal.
Il peut, d'autre part, invoquer la protection de l’image de son bien si la création lui cause un trouble anormal (Cour de cassation 7 mai 1994, numéro 02 – 10 450).
Qu'en est-il de la destruction de l'œuvre ?
Le propriétaire du support pourrait détruire l’œuvre puisque l’œuvre a été réalisée de manière illicite sur son bien.
Toutefois, les magistrats ont considéré que la destruction de l’œuvre pouvait être réalisée si elle était « indispensable pour respecter des impératifs esthétiques, techniques ou de sécurité publique. » (Conseil d’État, 15 octobre 2014, n°353168).
Il appartiendra aux juges du fond, et ce, au cas par cas, de ne pas faire primer le droit moral de l'artiste sur le droit de propriété du support en raison de l’illégalité de la fixation de l’œuvre.
1 Cour d’appel de Paris, 27 septembre 2006 n°04/22251